L’impérative nécessité de mettre en place un projet de prévention novateur a vu le jour il y a deux ans, lors d’une de nos réunions d’équipe.
Cinq constats nous ont menés à cette conclusion :
1. Dans l’ensemble de ses secteurs d’activité et en particulier dans le domaine du surendettement, le CAFA asbl a une longue expérience en animations collectives et actions de prévention. Celle-ci nous a conduit à renforcer notre conviction de l’utilité de prévenir le surendettement. En effet, lors de ces séances, nous rencontrons un public déjà fragilisé nous exprimant des regrets sous forme de « si j’avais su …» ou des jeunes qui ne s’imaginent pas le coût réel de leur vie future ni le montant des salaires auxquels ils pourraient prétendre.
2. L’explosion du volume des situations d’impayés dans le domaine du crédit à la consommation (plus de 362.951 personnes en défaut de paiement à la fin du mois de septembre 2010) dont la presse se fait l’écho régulièrement, n’est que la partie émergée de la situation du surendettement des ménages. Nombre de personnes ne peuvent assumer les besoins primaires qui traduisent une vie digne : logement décent – accès à l’énergie – accès aux soins de santé – prise en charge des coûts de la scolarité des enfants – accès à la culture - …
3. Un exemple : la libéralisation du marché de l’énergie en Région Bruxelles Capitale survenue en 2007, caractérisée par une hausse des coûts et la mise en œuvre de pratiques commerciales complètement nouvelles a eu des conséquences importantes pour notre public.
Les dettes en matière d’énergie qui ont lourdement augmenté dans ce contexte, ont deux sources « financières » principales :
Confrontés au choix de la fixation des provisions mensuelles, il est fréquent de constater que le choix immédiat des ménages est de sous-évaluer celles-ci, avec pour conséquence une facture énorme lors de la régularisation de fin d’année.
· Une autre situation habituelle dans le domaine sont les retards, voire le non-paiement des factures dites "intermédiaires".
Dans les deux cas, il s’agit pour les ménages de faire face à d’autres priorités, portant souvent sur des besoins primaires, avec un budget étriqué.
4. Régulièrement, nous sommes amenés à témoigner de notre travail auprès de professionnels, de futurs intervenants sociaux, de mandataires politiques… Il est alors frappant de constater à quel point les personnes vivant une situation de surendettement sont victimes de jugements et d’idées reçues. On les imagine mauvais gestionnaires, joueurs de casino, dépensiers, ayant un recours excessif aux crédits. On oublie ceux qui ont perdu leur emploi, connu une rupture familiale, la maladie, les indépendants victimes de la détérioration de leur affaire…
5. Face aux moyens publicitaires déployés par les grandes sociétés vantant les mérites du crédit facile, la démarche préventive portée par les médiateurs de dettes manque de visibilité. Quand nous touchons vingt personnes lors d’une animation, le passage d’un spot publicitaire à une heure de grande écoute en atteint des millions en quelques minutes.
Tous ces éléments nous ont conduits à vouloir créer un événement de grande ampleur qui marquerait les esprits.
Nous voulions que les participants ressentent le surendettement, qu'ils le vivent de l’intérieur, que leur parcours dépende de leurs choix, mais aussi du pur hasard. Comme ce que la vie peut réserver à chacun. Nous souhaitions particulièrement, que le public cible des jeunes, des personnes qui accèdent au marché du travail ou simplement à l’autonomie, soit séduit par la manière et qu’il comprenne personnellement le sens du surendettement et de ses conséquences.
Certains d’entre nous avaient participé au parcours-spectacle créé par le CIRE sur le vécu des demandeurs d’asile qui souhaitent s’installer sur le territoire. Nous sommes encore nous-mêmes marqués par cette expérience bien des années plus tard. Cette formule de sensibilisation semblait répondre le mieux à nos attentes.
Nous avons la chance de travailler en collaboration avec le CPAS de Saint-Gilles et au sein de l’Aasbl CAFA qui laissent tous deux la place à la créativité, aux projets novateurs, et à la remise en question régulière des activités et actions que nous menons.
La nécessité d’être « ludique » voire « attractif » pour faire passer notre message nous a mené à collaborer avec le Magic Land théâtre qui a su intégrer nos réalités et respecter les enjeux de ce projet.
Au fil des mois et des rencontres, notre projet a grandi, s’est affiné, pour devenir « Dernier rappel avant poursuites ! ».
Il nous semblait important qu’il puisse être dévoilé une première fois dans le cadre de « 2010, année européenne de la pauvreté et de l’exclusion sociale ».
Touetefois, nous savons que la pauvreté ne s’arrêtera pas le 31 décembre 2010, mais au contraire que la crise économique continuera à produire ses effets de sorte que le phénomène du surendettement ne s’enrayera pas de sitôt.
Nous voulons donc, si le projet est accueilli positivement, poursuivre notre diffusion en 2011 et au-delà,… tant que ce type de démarche aura du sens, en ouvrant le partenariat à d’autres acteurs dans ce domaine...
Texte Anne DELVAUX